Devoir répondre à un email urgent, rester scotché sur son fil d’actualités Facebook à la place.

Consulter un site Internet pour explorer un sujet précis, avoir quelques minutes plus tard 10 onglets différents ouverts sur son navigateur.

Aller au marché pour des tomates, ressortir avec des tomates, du melon, du fromage de brebis, du cidre local, des fraises, du savon artisanal. 


Sounds familiar? En ce qui me concerne, le titre de ce livre m’a appelée tout de suite. Il résume à lui seul un phénomène on ne peut plus actuel:

Comment rester centré & concentré (en classe, au travail, dans sa tête, au supermarché) quand le monde extérieur déborde de distractions en tous genres?

Le défi est de taille mais il représente aussi une occasion d’activer de précieuses ressources pour celui qui, harassé, veut bien aller voir comment reprendre le contrôle de son attention.

L’auteur propose un éclairage neuroscientifique brillamment vulgarisé et illustré sur la question.


La force de la volonté vs. la puissance de la tentation

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Il explique que l’attention est une activité mentale qui fait appel à des « neurones-chefs » (situés dans la zone pré-frontale et liés aux fonctions exécutives donc à tout ce qui a trait à l’attention, la mémoire de travail, la réflexion, la volonté, la conscience).

Mais ces chefs ont une relation particulière avec les « neurones-aimants« . Ceux qui sont en jeu dans le fameux circuit de la récompense et qui s’activent lorsque l’on est attiré comme un aimant par quelque chose qui nous procure du plaisir. Ils raffolent de la nouveauté, de l’immédiat, de la rapidité et de tout ce qui bouge.

Ce sont eux bien sûr qui nous titillent quand on est scotché devant son écran et qu’on perd toute notion spatio-temporelle.

On est « accro à quelque chose et tout le reste semble nul ».

Le fonctionnement de Facebook illustre parfaitement ce qui est vécu comme irrésistible par ces neurones: on scrolle, on scrolle, on a plein de choses à faire à part ça mais on continue de scroller… hypnotisés par l’excitant défilé de fraîches informations devant nos yeux, sans parler de ces petites notifications rouges auxquelles on devient vite accro!


Des gardiens parfois trop protecteurs

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D’autre part, ces neurones servent aussi une fonction archaïque (sous-corticale) de notre cerveau qui consiste à nous alerter en cas de danger en court-circuitant les neurones plus évolués du cortex pré-fontal (les neurones-chefs, donc).

Utiles lorsqu’un monstre gluant nous pourchasse, ils le sont beaucoup moins en classe, où le danger est -a priori- moins élevé. Pourtant, même quand le danger est moindre (voire imaginé), cela n’empêche pas notre cerveau de le croire réel et donc de mobiliser l’énergie nécessaire pour fuir ou combattre.

Or, quand les neurones-aimants font la loi dans notre cerveau (soit parce qu’on est accro à quelque chose ou bien en mode « fuite-combat » dû au stress), les neurones-chefs n’ont plus voix au chapitre: on est comme une marionnette sans aucun contrôle.

Comme « un sac plastique dans le vent », balloté à droite à gauche…

Comment alors renforcer l’autorité de nos neurones-chefs et diminuer le pouvoir de ces neurones-aimants?


Je pime donc je gère

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L’auteur parle de l’importance, pour chaque tâche, d’avoir un « PIM »= Perception, Intention, Manière d’agir.

Exemple: lorsque je me brosse les dents: je me concentre sur le dentifrice, ma brosse à dents, et l’eau de rinçage (Perception), je le fais pour avoir des dents et une bouche propres (Intention), et en mettant le dentifrice sur la brosse que je porte dans ma bouche et contre mes dents pour frotter puis enfin rincer (Manière d’agir).

Ou lorsque j’écoute une histoire: P= la voix de la personne qui parle, I= la raconter ensuite à quelqu’un, M= me faire une image mentale de ce que j’entends.

Le PIM est le mode d’emploi nécessaire aux neurones-chefs pour savoir quoi faire, pour quoi, et comment.

Il permet de « voir dans sa tête ce qu’on veut faire, comme si c’était déjà fait ».


Le four et le moulin

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Il est recommandé de ne pas gérer plusieurs PIMs à la fois (exemple: je fais mon exercice de maths tout en écoutant les paroles de ma chanson préférée) ce qui disperse évidemment l’attention et noie les neurones chefs qui sont obligés d’être au four et au moulin en même temps.

Mais pour certaines personnes (dont je suis) dont le cerveau fonctionne en arborescence, il est difficile de ne se limiter qu’à une seule activité (donc à un seul PIM) pendant longtemps, d’où le fameux multi-tasking.

En ce qui me concerne, je cultive autant que possible le mode monotâche, même si cela n’empêche pas mon cerveau de produire en parallèle 36 idées tout à fait brillantes mais hors-sujet.

Par ailleurs, quand l’action à mener nous semble dès le départ longue et difficile, on peut la diviser en « mini-missions » courtes et simples (mais claires), avec une mini-pause entre chaque.


Des chefs qui ne demandent qu’à être sollicités

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Toutefois, il arrive que malgré un PIM clair comme de l’eau de roche, on soit quand même déconcentré (par nos idées ou des stimuli extérieurs). L’auteur compare ces distractions à des « pubs du cerveau », et les appelles PAM (Passe à Autre chose qui à l’air Mieux): envie de consulter son portable quand un ami nous parle, envie d’aller caresser le chat quand on étudie sa géo, etc.

Ce qu’on peut faire alors, c’est ra-len-tir, consulter ses neurones-chefs pour savoir si c’est le bon moment d’obéir à ces tentations (car peut-être est-ce le signal pour faire une pause), et ainsi reprendre le pouvoir de dé-ci-der vers où diriger son attention.

L’auteur indique également que lorsque l’envie et l’intérêt pour un sujet ou une tâche ne sont pas au rendez-vous, on peut les provoquer en y mettant toute son attention: « plus tu donnes d’énergie, plus tu en reçois! » Un de mes mantras anglais est d’ailleurs « Where focus goes, energy flows« . Plus on s’implique, plus on a d’énergie, et plus on est efficace !


Une trêve méritée 

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Parfois cependant, on n’a pas besoin de PIM. Pour boire un verre d’eau, conduire une voiture après 10 ans de permis, ou regarder un film tout gouzy sous son plaid. Pourquoi? Car il s’agit soit d’habitudes déjà automatisées, soit d’activités délicieuses, et dans ces cas, pas besoin de neurones-chefs, les neurones-aimant prennent le relais sans problème.


Passer son permis de pilote

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Quoi qu’il en soit, cette capacité à garder le cap sur son PIM (son objectif et la mise en oeuvre de cet objectif) malgré la panoplie de PAMs (distractions) autour de nous: elle se muscle.

A force d’invoquer ses neurones-chefs à chaque fois que quelque chose veut nous détourner de notre objet d’attention initial, ceux-ci deviennent de plus en plus puissants. Autrement dit, on se renforce en tant que commandant de bord de son attention, sa volonté, sa conscience.

La pratique régulière de la méditation de pleine conscience est une piste parmi d’autres pour tendre vers cela.

Notre focus devient alors moins à la merci des distractions (extérieures et intérieures) et davantage capable d’aller jusqu’au bout de la tâche, jusqu’au bout de notre PIM.


Les PIMs à l’école

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A (et vis-à-vis de) l’école, certains élèves peuvent parfois remarquer qu’ils ont des PIMs incomplets, mal ajustés, voire inexistants. L’objectif à atteindre est flou, la mise en oeuvre obscure.

A quoi cela va me servir d’étudier pour ce cours? Et comment je dois le faire? On touche ici finalement à la question du sens à l’école. Consciemment ou inconsciemment, le brouillard m’habite car je n’ai pas la réponse à ces questions, voire même j’oublie de me les poser.

Mais ce n’est pas une fatalité!

Si le PIM de votre évaluation d’espagnol vous semble incomplet, mal ajusté, voire inexistant, peut-être pouvez-vous en créer un, à votre sauce ?

Exemple:

Perception: tout le contenu des cours, idéalement trié et rangé (photocopies, leçons du cahier, lexique du livre, exercices etc.);

Intention: faire plaisir à mon entourage être opérationnel lors de l’évaluation de compréhension écrite de mardi prochain à 15h;

Manière d’agir: revoir toute la séance 2 de la séquence 3 sur les saisons et les aliments, en relisant plusieurs fois chaque mot, voyant dans ma tête leur image et leur orthographe, en m’auto-testant à l’écrit de l’espagnol au français puis inversement, en faisant des flahscards, en demandant qu’on me dicte les mots, etc.

Sans ça, l’énergie est flottante, diffuse, errante, comme « un sac plastique dans le vent »…

Alors qu‘identifier son PIM ouvre les portes de la concentration, donc de l’efficacité, donc du plaisir.

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